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George avait fait cacher Armande dans la pièce voisine, et à son signal elle devait rentrer dans la chambre où se trouvait sa malheureuse mère.

George entre donc et vient s’asseoir aux pieds d’Alexandrine dont les joues étaient baignées de grosses larmes. Assis, le coude sur les genoux de celle qu’il adore, il lève vers elle son regard chargé d’une inexprimable angoisse, adoucie par un rayon d’une douce joie mal contenue. Il fixe les yeux de son épouse immobile et rigide assise dans sa longue chaise, et son regard semble lire ce qui se passe en elle. La fixité de cette vue trouble la pauvre folle.

George ! dit-elle, comme faisant un effort suprême, mon George, tu souffres, n’est-ce pas ? Pourquoi ne puis-je t’aider à supporter la vie ?

George ne put cacher sa joie, son ivresse, en entendant Alexandrine lui parler ainsi.

— Je souffre avec toi, mon ange, lui répondit-il.

— Je le sais, George, et tu n’es pas seul à souffrir ; moi aussi je ressens une mer d’amertume qui me noie le cœur à tout instant. Je souffre des douleurs que vous ne comprenez pas et que je ne comprends pas moi-même ; et ses deux mains se posaient sur le front pâle de George, et elle le caressa longtemps ainsi.

Mais où est donc Armande ? dit-elle. Mais non, tu ne le sais pas, car tu me le dirais. Oh ! il y a si longtemps que je l’appelle et que je lui tends les bras ; elle ne revient pas à son berceau. Parfois je crois