Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tu es née ?

— Seule ?

— Non, avec moi.

— Et ta place au poste ?

— Je la quitte pour toi, pour ton bonheur.

— Oh ! fuyons, fuyons. Avec toi j’irais partout, même vers ces étoiles inaccessibles qui brillent là haut dans le ciel bleu.

Elle se revêt, à la hâte, d’un grand châle rouge et blanc, chausse ses mocassins brodés, et pliant une large couverte elle part sur les traces de Laurent.

La nuit était belle, et déjà les nuages étaient disparus. Leur passage éveilla bien quelques chiens qui, reconnaissant des amis, reprirent leur place en allongeant leur museau sur leurs pattes de devant. En quelques instants ils sont rendus au canot que Bison-des-Plaines tient à la mer et où il a mis tous les effets indispensables appartenant à Laurent.

Vite, le courant monte, dit Bison-des-Plaines, et le jour ne saurait tarder.

Fleur-du-mystère saute à l’avant du canot, en saisissant une rame. Elle savait pagayer, accoutumée de bonne heure par le Hibou à ce genre d’exercice

— Adieu, frère, dit-elle à Bison-des-Plaines. Que de nombreuses lunes passent sur ta tête sans trop la blanchir, et que le castor soit abondant dans tes chasses.

— Merci ! que la fille des Visages-pâles n’oublie pas et que la chaîne de l’amitié lui soit légère.

— Sa conduite à notre égard l’allège déjà, répond Fleur-du-mystère qui avait des larmes dans la voix.

— Merci ! mon frère, reprend Laurent, je ne saurais oublier ce que tu as fait pour nous.

— Tu serais une exception, et j’aime à croire que tu en es une, car les blancs oublient aussi vite une