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lant. Il pouvait dire avec le poète :

Mon front est froid, mon âme est en feu.

Il fit quelques pas dans la direction de la grève ; mais se ravisant : Non, dit-il, allons au bois ; il y a plus d’ombre, plus de solitude ; sur la grève, la grande voix des flots me ferait mal au cœur. Là, perdu sous la feuillée je serai plus avec moi. Quelques minutes après, il disparaissait sous le couvert.

À peine Mélas était-il disparu dans le bois, qu’une ombre légère glissa le long du wigwam silencieux et se faufilant comme une couleuvre, elle entra sous la tente. L’enfant dormait toujours, souriante. L’ombre s’approche du lit de sapin. Une lampe de fer, où brûlait une mèche dans l’huile de phoque, éclairait faiblement l’appartement ; au fond dormait la vieille sauvagesse, et près de l’entrée de la porte, Fleur-du-mystère.

Dors en paix ma colombe, disait il, dors en paix comme la gazelle timide aux bords des eaux dormantes des lacs. Ton cœur a connu le poison de la douleur en buvant à la coupe de la vie. Pour toi devaient éclore les roses blanches comme ton front, fleurir les arbres, verdir les prés, mais un oiseau de proie a fondu sur ta vie comme l’aigle aux fortes serres fond sur le faon timide dans les vallons, et tu trembles devant lui comme la feuille du peuplier dans la forêt. Comme la chèvre blessée qui erre sur la montagne, un jeune visage-pâle allait sans but dans la vie ; il te vit et lia avec toi la chaîne solide de l’amour ; oui, il t’aima, mais pas avant Bison-des-Plaines qui te fixe à cette heure, en attendant l’heure de la vengeance. Lui, fier de ces années, orgueilleux de sa force et de son agilité, il aurait été