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— Bonjour ! Quelle nouvelle au village ?

— Pas trop bonne. Mais le silence, Laurent, est d’or, surtout là où les roches parlent.

— Viens avec moi, là-bas, sur les flots ; pas d’oreilles là pour écouter, et ils partirent.

— Écoute, frère, commença Bison-des-Plaines. J’ai vu le goéland nourrir ses petits, j’ai vu la femelle du marsouin porter sur son dos son petit qu’elle nourrit encore ; mais je n’avais jamais vu un enfant des bois, un Visage-pâle lever la main sur une fleur prête à se faner. Oui, hier, j’ai vu le Hibou frapper Fleur-du-mystère parce que l’enfant lui avouait que tu lui avais parlé d’amour.

— Le lâche ! soupira Laurent, dont les poings se crispèrent ; et tu n’as pas agi ?

— Écoute, mon frère, j’aurais voulu l’étrangler sur le champ, mais mon sang s’est apaisé, et je me suis dit : le chat tigre sait être patient pour mieux se venger. C’est ce que je ferai, et c’est là mon secret. Je n’oserais pas même le dire aux échos des bois, car les esprits pourraient le dire à ce maudit blanc, qui n’a pas de cœur. Puis il raconta à Laurent, aussi courtement que possible, la naissance de Fleur-du-mystère, sa venue au sein de la tribu, ses souffrances et ses tortures.

Oui, frère, j’ai senti mon cœur battre dans ma poitrine pour la fille des blancs, moi si peu de chose. J’ai refoulé jusqu’au profond de moi-même ces sentiments si doux. Je n’aurais jamais osé m’élever jusqu’à elle et lui dire : je t’aime. Les courants rampent à terre et s’appuient rarement aux branches des grands arbres. Ne pouvant lui dire ce que j’ai dans