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Laurent grandit et manifesta de bonne heure un amour immodéré des aventures. Sa famille d’adoption essaya en vain de détruire en lui cette inclination. Rien n’y fit : c’était une voix qui parlait en lui, plus forte que sa volonté. À seize ans, il partit pour les territoires de la Baie d’Hudson. Pendant deux ans, il végéta au milieu des tribus nomades qui erraient dans ces contrées.

Un jour, dans une de ses pérégrinations, il fit la rencontre d’un des membres de cette fameuse Compagnie de la Baie d’Hudson qui monopolisait le commerce des fourrures. L’intérieur franc du jeune Laurent le frappa ; il devina en lui de la bonne étoffe. Les yeux seuls disaient l’honnêteté, la hardiesse et le mâle courage de ce jeune homme de dix huit ans. Il lui demanda s’il voulait bien s’engager. Laurent fatigué de cette pénible vie d’aventure, accepta de suite. Il fut envoyé comme commis au Poste sauvage, justement où Mélas et sa tribu passaient leur vie. Ses allures franches, son caractère plein de douceur mais non sans énergie, lui gagna l’estime de tous les sauvages du Poste. Bison-des-Plaines surtout s’attacha à lui comme l’ombre à son objet. Le Poste était en dehors des limites du village indien.

— Tu ne viens pas au village ? lui dit un jour Bison-des-Plaines ; tu y verrais un blanc comme toi, qui vit au milieu de nous avec une jeune Visage-pâle qui ressemble à une pâle marguerite qui se penche au bord des eaux.

— Des blancs au village ? dit Laurent.

— Oui, frère et… Son secret faillit lui échapper.

— Et… quoi ? dit Laurent.