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et des grèves. Sur la terre, ce n’est qu’un concert d’insectes, d’oiseaux et d’animaux. Toutes ces milliers de voix unies à celle de l’homme montent au ciel, comme une louange non interrompue, et la terre reçoit en échange les rosées vivifiantes. À cette heure de bien-être, accoudée à la fenêtre d’une élé­gante maisonnette qui regarde le fleuve ; une jeune fille laisse errer son regard languissant sur le chemin poudreux du roi. Une tête haute et fière, couronnée de cheveux noirs, ondoyants et doux comme un écheveau de soie, des yeux bleus d’azur, un front de marbre, où se reflétait une âme candide que les froids baisers du mal n’avaient pas encore ternie, un teint frais, qui donnait à ses joues l’apparence soyeuse des fruits mûris par les rayons du soleil, des lèvres fines et pincées, des lèvres sarcastiques, un nez bien fait, des narines dilatées ! voilà le por­trait ébauché de notre héroïne dont la robuste san­té ne dit qu’elle est sortie du couvent il y a quelques mois à peine. Elle est belle ainsi dans sa robe noire, au collet blanc et aux poignets de dentelle. Elle est ravissante avec ses roses aux cheveux et cette fleur bleue au corsage, pendant qu’elle laisse nonchalamment errer son regard mélancolique sur le chemin du roi.

C’est mademoiselle Alexandrine Boildieu. Son père est un notaire à l’aise ; sa mère, un cœur d’or. Fatiguée de cette rêverie sans but — rêverie de jeune fille de vingt ans — elle se met au piano. Distraite d’abord, les notes se succèdent mollement dans un