Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/148

Cette page a été validée par deux contributeurs.

davantage, d’un amour dévoué, et essayer à lui faire comprendre peu à peu sa situation. Il jouira parfois de ces heures trop courtes de lucidité ; alors il redoublera de tendresse pour lui faire sentir ce qu’elle est et combien son état l’afflige. Il se plaira, dans son dévouement de chaque jour, à satisfaire ses moindres désirs, trouvant une ample satisfaction dans le contentement intérieur qu’il ressentira et dans la pensée qu’il agit ainsi parce qu’il aime, et que c’est un bonheur de se dévouer pour ceux que l’on aime.

Quelqu’un a dit avec raison : « La paix régnera sur cette terre le jour où l’on aura compris que travailler au bonheur d’autrui c’est acquérir le nôtre. »


III

SOUS LA TENTE.


Quand le canot que montait Mélas et ses séides eut quitté le rivage, emportant la pauvre petite victime, on réussit à se maintenir à la mer. Le Crochu en avant, la Chouette au gouvernail, et au milieu Mélas, tenant dans ses bras la petite Armande qu’endormait le balancement du canot à la mer. La position était difficile ; il fallait de l’énergie et du courage. Néanmoins le bandit avait un rictus amer sur les lèvres, en voyant tout près de lui une partie de celle qui avait dédaigné ses avances et qu’il avait juré de punir de ses dédains.

Les voilà donc partis, suivant le courant qui les mène. Déjà, à droite, le phare de l’Île Verte montre dans la nuit son grand œil vif et clair, dont les rayons se profilent sur la mer et laissant une traînée lumineuse. Comme le soleil allait se lever, ils approchaient la terre ferme du Bic. Il fallait user de précautions, car on avait vu à terre, non loin de l’Îlet-