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À l’aspect du nouvel arrivant, Alexandrine fronce les sourcils. M’amenez-vous mon enfant ? Serait-ce vous qui l’avez volée et que le remords pousse à me le donner ! Oh ! parlez, parlez ; donnez-le moi pour l’amour de Dieu. Si vous saviez comme il a souffert ce cœur qui a battu pour elle, ce cœur dont les battements lui ont fourni le sang et donné la vie.

À ces paroles, George pâlit affreusement, et il lui fallut le chambranle de la porte pour ne pas s’affaisser.

Alexandrine, est-ce toi que je retrouve dans cet état ? Quoi ! tu ne me reconnais pas ? Qu’as tu, dis-moi ? Qu’as-tu fait de notre enfant ? Mon Dieu ! mon Dieu ! éloignez de moi le calice amer que je redoute ? Quel mystère terrible va se dévoiler ? Mon âme s’y perd. Eh ! quoi ! après tant de souffrances, de privations et de tortures morales, j’arrive au foyer que pour y trouver un cœur mort, une intelligence éteinte, une âme incapable de me comprendre, un berceau vide. Oh ! Dieu ! quel vent de malheur et de malédiction a soufflé sur cette maison ?

C’est bien le temps de dire avec le poëte : « La froide réalité a frappé de mort les doux rêves qui berçaient ma vie. »

Alexandrine !… elle me regarde et ne tombe pas dans mes bras ; Ô ciel ! ayez pitié de ma douleur. Il me semble qu’une lame froide et acérée me transperce l’âme. Je souffre trop, j’étouffe…

Vous pleurez ? dit la folle. Je vois des larmes sur vos joues. Oh ! vous n’avez pas volé mon enfant, car les méchants ne pleurent pas. Venant, et prenant George, que le chagrin accable, par la main, elle l’entraîne à travers la salle pour se rendre jusqu’à la chambre d’Alexandrine.

George, fou de douleur, sans énergie, à moitié suffoqué, se laisse conduire comme un faible enfant. Il a compris l’immensité du malheur qui venait de