Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

D’autres fois, elle dirigeait ses pas vers la grève et là, les cheveux au vent, pieds-nus et à peine habillée, elle demandait aux flots le corps de son enfant. Rendez-moi mon enfant si vous me l’avez engloutie ; rendez-moi son corps. Qui sait si la chaleur de mon sang ne lui donnera pas la vie une seconde fois. Je suis sa mère, moi, et il me semble que l’amour d’une mère est assez fort et assez puissant pour faire des prodiges. Elle parlait ainsi de longues heures, épuisant sa voix et ses forces à demander son enfant. Parfois les cultivateurs, dans les champs, entendaient la voix des flots leur jeter les notes éparses d’une voix suppliante et affaiblie. C’est la pauvre folle, disaient-ils, et l’ouvrage interrompu un instant reprenait son cours.


II

LE RETOUR AU FOYER.


C’était au mois d’octobre 1819. Le ciel avait des teintes grises qui diminuaient la chaleur du soleil. C’était le soir, et le vent de Nord Est, précurseur de la pluie, faisait tomber les pauvres feuilles qui pendaient, jaunies, aux branches des arbres. C’était l’approche de l’automne.


De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre.


Sur le fleuve Saint-Laurent, plusieurs navires montent avec une vitesse accélérée, poussés par un fort vent le Nord Nord Est. Parmi la flottille, un brick élégant, bien voilé, à la course vive, semble