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lant d’adieu avant l’heure du départ pour la guerre de Troie.

Passons sous silence les sanglants adieux de George et d’Alexandrine. Il est des scènes qu’on ressent mieux qu’on ne peut les rendre.

Venons contempler un frêle enfant dans un petit berceau d’osier, auprès du lit d’Alexandrine ; c’est un ange ; il est beau comme son père, mais il a les traits de la mère. C’est une petite fille rose et pleine de vie que sa mère a appelée Armande. Quelle joie depuis son apparition. Le logis triste d’Alexandrine s’était éclairé d’un flambeau par l’arrivée de ce petit être qui compte et tient une place dans un jeune ménage. Comme sa mère l’aimait ! et quelle mère n’aime pas son enfant ? Elle la chérissait tellement qu’elle craignait que le ciel ne lui reprochât tant d’amour en lui enlevant cette enfant, une partie d’elle même, sa vie et son sang.

L’enlever ? avant que George ne l’ait prise dans ses bras, ne l’ait pressée sur son cœur paternel ? Allons donc ! ç’aurait été un crime, et le ciel n’en est pas capable. Mais qui connaît les desseins impénétrables de Dieu ? Les fleurs naissent, sourient au soleil et parfois le soir, quand elles ne sont pas souillées par une main marâtre. Ainsi de ces petits enfants qui viennent, fleurs si fraîches, orner le parterre du foyer conjugal.

Pendant que George navigue sur l’Océan — et parcourt les mers du vieux monde, tandis qu’Alexandrine, tout à son enfant, attend avec anxiété le retour de celui qu’elle aime ardemment, Mélas, dont on n’a pas eu de nouvelles, a fait du chemin. Rendu sur la côte Nord, il trouva moyen de se faire ad-