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— Le devoir m’appelle, Alexandrine, et ton cœur noble et vaillant comme celui de toute notre race, me comprendra ; tu sauras me cacher tes larmes afin que mon courage ne faiblisse pas en face des exigences de mon état, j’oserais dire de ma vocation.

— Oh ! George, je comprends ton devoir ; mais je ne sais pourquoi mon cœur se brise dans une étreinte mortelle. Il y a parfois en nous des voix qu’on ne devrait pas méconnaître. Elles sont parfois messagères du ciel ; eh ! bien il y a en moi quelque chose qui me fait souffrir et qui me dit que je souffrirai, malgré que je sache que souffrir est une loi pour tous, riches et parias. George, mon espoir, ma vie, garde-moi ; ne t’en va pas, ou je vais mourir.

— Console-toi, mon enfant, console-toi. Tu restes seule au foyer ; mais qui sait si la solitude ne s’éclairera pas par la présence d’un petit chérubin que tu aimeras pour nous deux ; car j’espère bien que Dieu a béni notre union, et qu’il nous donnera un berceau, et dans ce berceau nous confondrons nos cœurs et notre amour mutuel qui devra toujours être fort comme la mort. Sois sage et forte pour moi et pour cet enfant à naître qui fera notre joie.

— Je tâcherai… et elle entoura le cou de George de ses deux bras nerveux.

Longtemps ils restèrent ainsi, le regard rivé l’un à l’autre et tous deux plongés dans une extase muette. On aurait dit Hector et Andromaque se par-