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Tout occupé au malade que le médecin examinait, on ne s’aperçut pas de cette scène dégradante, et Mélas ne se doutait pas qu’il fut si près du triste compagnon de ses veilles et de ses projets monstrueux. Plume-d’aigle, tant bien que mal, réussit à gravir l’escalier et ouvrit la porte. À la vue de tant de monde, il s’arrête une seconde et paraît indécis ; mais se ramassant soudain, il bondit en avant en s’écriant : « Mort et vengeance, » et il tombe à genoux sur le plancher. Ce fut une panique générale qui pouvait amener de fâcheux résultats dans la condition du malade. Un frisson glacial passa par tous les membres de Mélas, en reconnaissant la voix de Plume-d’aigle. Il quitte le lit de George, et s’avançant au devant de la bête immonde qui écume :

— Sors d’ici, Plume-d’aigle !

— L’aigle libre ne sait pas obéir aux ordres du faucon.

— Sortiras-tu ?

— Maintenant que tu m’as payé le prix de mon ouvrage ; maintenant que ta vengeance est accomplie par moi, je ne te dois plus rien et toi non plus. Vois, le dieu de l’enfer a mis son feu dans mon corps qui brûle, et je sens la rage qui bouillonne en moi comme les flots longtemps contenus et longtemps battus par des vents contraires. Viens, maître, laver le sang qui a coulé sur moi, ce sang que tu m’as fait verser.

À ces paroles, Mélas devint livide. Il trouve un appui sur le bord du poêle ; sans cela il serait tombé.

Les assistants, revenus de leur grande frayeur, sont tout oreilles pour écouter ce qui sort de la bouche du monstre qui avoue clairement son crime. Aussi entend-on déjà des voix frémissantes d’indignation, ne se gênant pas de dire : Le lâche, il est la tête et Plume-d’aigle n’a été que le bras… il est