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lui si aimé partout, lui que tout le monde accueillait avec un sourire de bienveillance, quel pouvait donc être cet ennemi inconnu qui aurait pu avoir du ressentiment à son égard ? On avait bien des doutes ; et José Garrot, donc ? C’était le triste sire du village, comme il s’en trouve tant de nos jours ; ces immondes créatures trouvent souvent des protecteurs, même dans les hautes classes. On les craint, et, sans le vouloir, on se fait leur instrument de haine basse et de vengeance noire. Combien de victimes alors ? On ne regarde pas aux avenirs brisés, aux vies troublées. Quand on a de l’argent, on peut bien se moquer du monde : mais on ne brise pas en un jour d’oubli de soi-même l’avenir d’un jeune homme énergique et qui a encore au cœur l’amour du travail. Qui n’a pas lu le « Démon de l’argent, » par Henri Conscience ? On y voit l’intelligence, les dons de l’esprit en butte aux persécutions de l’homme qui pouvait dire :

À Satan j’ai vendu mon âme,
À Satan, pour un trésor,
Puisque dans ce monde infâme,
Tout s’achète avec de l’or.

Qui l’emportera dans cette lutte de l’esprit contre la matière ? Le plus noble des deux doit l’emporter, même en ce bas monde. Oh ! c’est là la suprême consolation de ces pauvres parias de la société qui ont du cœur et de l’intelligence, mais qui n’ont pas d’argent. Consolez vous jeunes gens de mon pays, qui avez le cœur assez haut et noble pour ne pas vendre votre plume. Celui qui a de l’argent dédaignera vos