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sombre. Rien !… Le silence. La lumière mystérieuse brillait toujours à la même place, près du châssis qui donnait sur la route.

Étrange ! disaient les hommes.

Il fallait enfin chercher une solution à ce problème étrange.

Je vais aller voir, dit celui qui l’avait ensevelie !

Nous irons bien ensemble, reprirent les deux autres !

Encouragés à trois, ils abordent la demeure ; mais à peine avaient-ils approché la fenêtre, naguère illuminée de cette clarté surprenante qui les effrayait, que la lumière disparut et que tout retomba dans les ténèbres. Ce fut un émoi ! Le cœur dut battre bien fort dans ces poitrines d’hommes robustes, et un froid glacial s’infiltrer dans leurs veines. Il y avait donc là du mystérieux, du surnaturel ! Était-ce réalité ou mystification ! Le problème menaçait de rester sans solution lorsque l’homme qui avait enseveli la morte, s’écria soudain en s’étreignant le front de ses deux mains :

Je comprends, c’est cela ! ça doit être cela ! C’est son scapulaire ! C’est moi qui le lui ai ôté lorsqu’il a fallu faire la dernière toilette, je l’ai piqué près de la fenêtre avec une épingle et lorsqu’on l’eut ensevelie, j’ai oublié de le lui passer au cou. C’est elle qui demande son scapulaire. Il ne lui faut que cela peut-être pour lui permettre d’entrer de suite dans le ciel ! Allons ! il faut l’avoir ce scapulaire et aller le porter sur sa tombe, c’est là qu’elle le veut. Il dit, et enfonçant la porte de son genou robuste, il pénétra à l’intérieur de la maison. Le scapulaire était là piqué, comme il disait, dans le cadre de la fenêtre qui donnait sur la route, à l’endroit même où le point lumineux restait fixe.

Notre voyageur emporta ce pauvre morceau d’étoffe noire où l’on voyait une image de la Sainte Vierge serrant Jésus dans ses bras et il le remît au curé. Le lendemain on le plaça dans la terre sur la tombe de la morte et jamais plus on ne vit la lumière à la fenêtre où avait été placé le scapulaire de la morte.

Cette histoire est véridique, et dans le village où je vais souvent, on se raconte la chose et l’on se sent pris d’une dévotion plus intense pour ce noble insigne que portent les enfants