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CHAPITRE X

LES DRAMES DU ST-LAURENT


UNE ALERTE AUX TROIS-PISTOLES



En cette année de 1839, la paroisse des Trois-Pistoles fut le théâtre d’un événement tragique qui faillit plonger toutes les familles dans le deuil. De mémoire d’homme, on ne connaît rien de plus épique que ce drame émouvant où plus de 200 hommes étaient les pénibles acteurs, ayant pour scène le fleuve immense emprisonné dans son lit de glaces flottantes et pour spectateurs terrifiés, agonisant de douleurs, une foule énorme accourue sur la plage, toute une paroisse avec son pasteur en tête.

Aussi garde-t-on religieusement dans les familles le souvenir atroce, mais consolant quand même de cet épisode de l’histoire de la paroisse des Trois-Pistoles. On se lègue de père en fils le récit mouvementé de ce sauvetage miraculeux et le plus jeune des enfants assis sur le banc de l’école vous dira l’horrible histoire que nous allons raconter.

C’était au mois de décembre, veille de la grande solennité de la Messe de Minuit, un jeudi. La cloche au timbre argenté tintait l’Angélus matinal ; les cheminées des maisons laissaient monter dans l’air vif du matin leur spirale longue de fumée blanche qui faisait tache sur l’azur sans nuage d’un ciel pur d’hiver canadien ; les habitants commençaient à sortir de leur demeure, bon nombre même, à la lumière vacillante au fond de l’étable, avaient commencé leur train.

Le froid mordait les joues, et la neige blanche, immaculée des champs, criait sous la botte sauvage du paysan.