Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

du père Ambroise.[1] Ce fut un deuil général, surtout dans la famille du seigneur Rioux. C’était là que résidait le Père Ambroise ; c’était là qu’il aimait à rester, et pendant ses quarante années de mission depuis Cacouna jusqu’à Rimouski, il passa la plus grande partie de son temps aux Trois-Pistoles chez le seigneur Vincent Rioux. (Nous pourrions dire chez les deux seigneurs Vincent Rioux, car le premier Vincent, mort en 1775, fut remplacé par son fils Vincent, marié à Julienne Drouin. Le premier Vincent était marié à Catherine Côté de la famille du seigneur Jean-Baptiste Côté, de l’Isle-Verte.)

Le lendemain du départ du missionnaire, la femme du seigneur Rioux (cette dernière devait être Julienne Drouin) étant allée dans la chambre de compagnie, trouva sur la table le goblet d’argent que son mari avait, de force, fait accepter au Père Ambroise à l’heure de partir pour Rimouski en lui disant : «  Eh ! bien, mon Père, vous allez le prendre et il reviendra à moi ou à ma femme après votre mort ; si vous le perdez le bon Dieu me le rendra. »

Madame Rioux, superstitieuse comme tous les premiers habitants de ce pays, se sentit mal à l’aise et courut crier à son mari qu’assurément le Père Ambroise était mort puisque le goblet d’argent était revenu, et qu’elle venait de le trouver à la place où il était quand son mari l’avait pris pour le donner au bon Père.

Le seigneur Rioux ne pouvait en croire ses yeux, car il l’avait bien réellement remis au Père Rouillard, le vieux goblet d’argent et en le prenant dans ses mains, le Père avait dit avec bonté : « Que le bon Dieu vous bénisse et vous récompense avec votre famille de toutes les bontés que vous avez eues pour son humble serviteur, » et il était parti pour Rimouski.

Lorsque les guides du Père Rouillard arrivèrent à Rimouski, et qu’ils racontèrent aux colons en pleurs le triste naufrage de leur canot et la mort du bon missionnaire, il fut im-

  1. D’après Mgr Guay, il est impossible de constater le jour précis et la date de la mort, car les registres de Rimouski présentent une lacune de dix ans. Une chose certaine c’est que le Père Ambroise ne s’est pas noyé en 1768 parce qu’en mai 1769 il baptisait aux Trois-Pistoles, Marie Reine, fille d’Étienne Rioux et de Véronique Lepage.