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lettres, en notre jeune pays) les Pandectes et les sublimes prescriptions du Code concernant les fossés de ligne et les « vaches immortelles ». Il faut que les Muses fassent entendre à l’oreille du jeune clerc avocat ou notaire de bien doux accents pour qu’il leur garde une portion de son cœur, malgré l’opposition apparemment irréductible entre la lettre de la Loi, qui tue, et les Lettres, qui vivifient !… Ou plutôt, n’est-ce pas par intérêt que bon nombre de jeunes basochiens se réfugient au sein des Lettres ? Ils ont appris en effet de Cicéron qu’« elles sont une consolation dans l’adversité »… Il n’importe ; et honni soit qui mal y pense !

Voilà donc que votre plume est déjà bien taillée. Installé dans votre étude, au foyer de votre jeunesse, vous la consacrez a une monographie de l’Isle-Verte, et puis, des Trois-Pistoles : en quoi vous faites œuvre de patience vraiment méritoire et de bon patriote. Les documents paroissiaux, les archives du comté et de la province existent sans doute, qui fournissent la matière première de la petite histoire, et, partant, de la grande. Mais encore faut-il donner une forme à cette matière, l’exploiter par une sage interprétation, lui donner la vie et la couleur, la compléter par les apports de la tradition, voire même de la légende locale. Ainsi se reconstitue pour l’édification de la génération contemporaine ou future la vie disparue des familles et des paroisses ; ainsi se façonne par un labeur ingrat et trop ignoré la véridique histoire des us et coutumes du peuple. Dans le milieu où s’exerce votre activité, vous vous consacrez à cette résurrection du passé ; et c’est pourquoi nos concitoyens vous conservent une très profonde gratitude.

Après un quart de siècle consacré presque exclusivement à la politique, encore que vous n’ayez jamais oublié vos premières amours et que votre nom se trouve, entre temps, au bas de maints articles de journaux ou de revues, vous en venez au sujet plus général des histoires et légendes du « bord du Saint-Laurent ». La nature du sujet a tenté votre esprit tour à tour partagé entre les œuvres d’imagination et les minutieuses précisions de la petite histoire. La légende n’est-elle pas en somme de l’histoire, de l’histoire aux lignes imprécises, embellie ou enlaidie — « exagérée ou dénaturée », ainsi que s’ex-