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prononçant les paroles de l’Écriture Sainte, véritables exhortations sur les grandes vérités éternelles. Et les gens de dire : il faut que ce soit un grand pécheur pour s’humilier ainsi, ou bien sa perfection de sainteté est rendue bien loin et cependant il ne fréquentait jamais ni l’église sur la pointe, ni les sacrements qui s’y distribuaient au passage du missionnaire dans la paroisse.

Quelqu’un l’ayant interrogé un jour sur son pays, son origine, son passé, ses antécédents, quels emplois il avait occupés dans la vie, il ne sut que répondre d’une manière évasive laissant dans l’esprit de son homme le doute le plus absolu. Toutefois à ses manières d’ecclésiastiques, à ses paroles tirées des livres saints, à ses exhortations réitérées, on devinait aisément qu’il avait dû appartenir au clergé régulier ou séculier, et cependant il s’en défendit avec une énergie pleine d’opiniâtreté.

Enfin, cet inconnu menaçait de prendre dans le pays des proportions légendaires, lorsqu’un événement, des plus inattendus, vint mettre un terme à cette vie d’ascète que l’ermite des Trois-Pistoles menait au penchant du ravin, près de la rivière.

Un jour, on vit le feu embraser l’ermitage et anéantir tout ce qui était naguère la demeure de celui qui se nommait Dupont, et que dans la campagne on appelait le Père Dupont. Cet incendie n’était certainement pas l’effet du hasard, mais bien le résultat d’une idée déterminée, d’une volonté préconçue.

Dans tous les cas, avec cet accident, volontaire ou non, le Père Dupont disparut des Trois-Pistoles pour n’y plus revenir jamais, laissant après lui une réputation de grand saint parmi les uns, et de pauvre excentrique parmi les autres.

Ce n’est que quelques temps après son départ des Trois-Pistoles qu’on connut toute la vérité sur ce personnage aux allures singulières. Il était arrivé à Québec vers 1714, et s’était fait remarquer de suite par une conduite pleine de contrastes. À le voir fréquenter les meilleurs hôtels de la ville, on le soupçonna grand seigneur, possesseur de biens considérables ; jusqu’à sa prodigalité et ses bienfaits qui confirmaient les gens dans ces idées.

Il allait par les rues et les campagnes environnantes, semant l’or et les bonnes paroles, étudiant les mœurs, les res-