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Iroquois se retirent un peu plus loin et attendent, en ricanant, comme des démons, que leurs victimes sortent de la caverne pour les immoler sans pitié. Hélas ! ils n’attendent pas longtemps pour accomplir leur terrible besogne. Tous ceux d’entre les maléchites que la terreur, les blessures, l’âge ne condamnent point à être suffoqués, s’élancent avec l’énergie du désespoir et tombent sur les Iroquois qui n’ont pas de peine à les terrasser, à les exterminer jusqu’au dernier.

Tous, sans distinction d’âge et de sexe, périssent ou massacrés ou étouffés dans la caverne. Ils dépouillèrent les cadavres ; ils enlèvent au scalpel le plus de chevelures possible et partent en entonnant un chant de guerre, laissant au flanc du rocher sans regret les pauvres guerriers Micmacs dont l’extermination venait de donner à un ilet du Saint-Laurent le nom qu’il porte encore aujourd’hui : l’Ilet au Massacre, du Bic. Et notre ami M. Taché, je dis ami, car il l’était de toute ma famille à plus d’un titre, termine ainsi l’histoire désolante que nous venons d’entendre :

« Longtemps, disent les récits populaires, on a observé les ombres des massacrés errer le soir autour de l’Ilet, et mêler leurs gémissements aux bruits de la mer !

« Souvent on a vu, au sein des nuits sombres, des fantômes armés de pâles flambeaux, danser, avec des contorsions horribles sur les galets de la baie !

« C’est en harmonie avec ces traditions qu’on a désigné les deux caps, qui limitent l’entrée de la baie du Bic, par les noms lugubres de Cap Enragé et de Cap aux Corbeaux.

« Il n’y a pas encore bien des années que les restes des os blanchis des Micmacs tapissaient le fond de la caverne au massacre !

« Encore aujourd’hui, ce n’est pas le premier venu qui s’en irait visiter ces lieux, par une nuit obscure, alors que le vent gémit à travers les sapins et les crevasses des rochers, comme une âme en peine. »