Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

cité, telle qu’elle a été gardée parmi nous et que nous empruntons à l’abbé Casgrain :

Le soir du 11 avril 1782, le curé Compain de l’Île aux Coudres, veillait seul dans sa chambre du presbytère ; il venait à peine de finir ses prières et la lecture de son bréviaire, lorsque tout à coup, dans le silence de minuit, il entend comme le son d’une cloche ; se croyant le jouet d’un rêve ou d’une illusion, il se lève et écoute : plus moyen de douter, c’est la cloche de son humble chapelle qui jette dans la nuit son glas funèbre. Il sort dehors ; la cloche sonnait toujours ; il entre dans l’église, personne ! et la cloche là-haut sonne toujours, tintant lugubrement dans l’espace. Il médite, il songe ! Soudain, comme si la voix d’un ami eut murmuré à son oreille, il tressaillit et se prit le front de ses deux mains ! Il est mort, oui : il est mort, ce bon et saint Père de La Brosse disait la voix intérieure, il vient de mourir à Tadoussac, et ce glas funèbre ne nous l’apprend que trop ; demain vous serez au bout d’en bas de l’Île et l’on viendra vous chercher là pour que vous puissiez lui donner la sépulture. Il sort de l’église, entre au presbytère, et se prépare pour le grand voyage de Tadoussac. Le lendemain il était au rendez-vous, attendant la réalisation de ce que lui avait dit la voix de l’ami, parlant tout bas dans la nuit.

Que se passait-il à Tadoussac pendant cet intervalle ? Le Père de La Brosse y était depuis quelque temps, attendant l’arrivée des sauvages, que le retour du printemps amenait au bord du fleuve, afin de leur prêcher la mission.

La veille de sa mort, le bon Père paraissait plein de santé. C’était un grand vieillard avec des cheveux blancs ; quoique robuste de corps, il avait le visage d’un ascète. Tout le jour il avait comme à l’ordinaire, vaqué à ses occupations, aux devoirs de son ministère ; et le soir venu, il était allé au Poste faire la partie de cartes avec les officiers, jusqu’à neuf heures. Au départ, il souhaita le bonsoir, à tous, et se recueillant soudain, il leur dit : Mes amis, je vous dis adieu pour l’éternité, car vous ne me verrez plus vivant sur cette terre. Ce soir même, à minuit « Je serai mort. » Vous entendrez à cette heure là sonner la cloche de la chapelle et il en sera ainsi dans toutes les chapelles où j’ai prêché la sainte parole de Dieu ; elles annonceront ma