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CHAPITRE II

LA LÉGENDE DES CLOCHES SONNANT


Il y a des figures prédestinées, des hommes qui naissent pour résumer en eux-mêmes toute une époque, je devrais dire tout un siècle de civilisation, de gloire et de progrès dans tous les genres : tels Périclès, Auguste, Charlemagne, saint Louis, François Ier, Louis XIV, Napoléon.

On en voit qui passent, torrent désastreux, ne laissant après eux que ruines et désolations ; d’autres ne paraissent sur la scène du monde que pour être l’instrument de circonstances extraordinaires et donner leur nom à toute une époque particulière : les peuples jaloux se disputent leurs berceaux et s’en font des demi-dieux ; d’autres enfin, sur un théâtre des plus humble, passent en faisant le bien, pareils au Divin-Maître, et sans laisser leur nom au siècle qui les vit naître, travailler, souffrir et mourir, ils n’en sont pas moins restés les idoles des peuples au sein desquels ils ont travaillé et peiné toute leur vie, et leur mémoire, après des siècles révolus, reste aussi vivace, aussi ancrée au cœur des populations, qu’aux jours bénis où ils accomplissaient leur mission providentielle.

Donoso Cortès disait un jour : « Qui a mis sur leurs lèvres ces saintes harmonies, et cette mâle éloquence, et ces terribles imprécations, et ces prophétiques menaces, et ces accès de brûlante charité qui jettent l’épouvante dans la conscience des pécheurs et ravissent jusqu’à l’extase les âmes pures des justes ? »

Et nous répondrons : l’amour du Christ, une simplicité d’apôtre, une vie de sainteté de tous les instants et le zèle infatigable pour la conversion des âmes. N’est-ce pas Louis Veuillot, ce génie de la pensée et de la plume, qui a écrit quelque part :

« La voix d’un bon prêtre produira en quelques jours des