Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

INTRODUCTION



C’est Charles Nodier, je crois, qui a dit quelque part : « hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du peuple, avant qu’il les ait oubliées, » et votre humble serviteur, s’inspirant de ces paroles sincèrement vraies, vient aujourd’hui vous entretenir de ces histoires du passé, merveilleux récit où la légende et la fable se donnent parfois la main pour mieux captiver les auditeurs, mais où l’on découvre facilement un fond de vérité, que l’histoire ne refuse pas d’accepter comme étant de son domaine, tout en faisant une large part à la fiction qui n’y ajoute que son charme et son attrait indéniables.

Nous vivons à une époque qui contraste singulièrement avec celle où nos ancêtres se livraient aux durs métiers de colons et de soldats. C’était le temps alors, où les canadiens-français burinaient au temple de l’avenir les épisodes héroïques, qu’immortalisaient la foi, le dévouement, l’amour du sol et l’aveugle enthousiasme d’une nation éprise d’idéal sublime et de devoir surhumain. C’était le temps où les Iroquois faisaient trembler plus d’un brave, où l’on sentait un ennemi embusqué derrière chaque tronc d’arbre que l’on venait d’abattre sur le lot que l’on défrichait — Dieu sait au prix de quelles peines et de quelles abnégations ; — où le soleil radieux qui se levait à l’horizon, sur une cabane de bois, abri des seuls trésors que l’on appréciait d’autant plus que la solitude était plus grande : la femme et les petits, menaçait d’éclairer de ses rayons mourants le massacre des êtres chers, et la destruction d’un patrimoine gagné à la sueur des fronts.

Aujourd’hui tout cela n’est plus, il y a encore des luttes, des embuscades, des tortures mêmes ; mais ce sont les luttes contre le vice qui, vague immense, monte et monte sans cesse ; ce sont les embuscades où nous guettent le luxe, les folles pas-