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nonçant les paroles miraculeuses qui changent l’eau en vin ; autour de lui sont groupés les convives avec différentes attitudes d’étonnement, d’insouciance et d’incrédulité ; dans l’espace laissé vide, au centre du fer à cheval, des musiciens exécutent un concerto, des serviteurs versent l’eau des amphores dans les vases où elle se change en un vin généreux. Sur la terrasse du fond, s’agite et s’empresse tout un monde d’esclaves et d’officiers de bouche, pannetiers, sommeliers, écuyers tranchants, qui apportent les mets, découpent les viandes et vont prendre les plats et les aiguières à un grand dressoir disposé sous une des colonnades ; sur les rampes et les garde-fous des toits, s’accoude une foule curieuse qui contemple de loin la vaste cène symbolique.

Malgré l’époque où le miracle eut lieu, les personnages sont habillés à la mode du temps de Paul Véronèse, ou dans un goût fantasque qui n’a rien d’antique. Des pédants ont critiqué ces anachronismes de costume, volontaires assurément chez un artiste aussi savant que Paul Véronèse[1]. Un poëte s’est chargé

  1. Un des biographes contemporains de Paul Véronèse donne l’explication de ces anachronismes, certainement volontaires, de costumes et de personnages. En réunissant autour d’une même table, dans une même fête, et dans un même sentiment ces convives de conditions, de pays et de religions si diverses, Paul Véronèse, dit-il, a voulu symboliser l’effet de la parole divine qui devait un jour changer toutes les croyances, comme aux noces de Cana elle changeait l’eau en vin, symboliser aussi les destinées futures du christianisme qui devait un jour réunir le monde entier dans une même communion. (Note des éditeurs.)