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cœur, le foie et les poumons dévorés leur font deux ou trois pièces de plus. — Ils vivent la bien plus à l’aise que le rat de La Fontaine, dans son fromage de Hollande ; ils mangent, ils évident, ils creusent en prenant le plus grand soin de ne pas entamer ni piquer la peau, de peur de donner passage à l’air extérieur, car les rats craignent beaucoup les vents coulis et redoutent par-dessus toutes choses d’attraper des fluxions ou des rhumes de cerveau. — Quand vient le dégel, il ne reste du cheval qu’un squelette enveloppé d’une peau ; cette peau sonne comme un tambour, et le squelette est aussi bien préparé qu’il pourrait l’être par l’anatomiste le plus habile du Jardin des Plantes et de l’école d’Alfort.

Cette sensuelle précaution est d’autant plus remarquable, qu’en été ils ne se font aucun scrupule de percer et de ronger le cuir ; leur férocité est tellement grande qu’ils se battent et se dévorent entre eux comme des hommes. — Dès qu’un rat blessé exprime la douleur par des glapissements, ses parents et ses amis accourent aussitôt, se jettent sur lui et l’achèvent. —