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lents, les matadors, les gros bonnets de la chiennerie, sortent avec leur cordon rouge de mou de cheval ; mais ceux-ci, qui savent qu’ils sont guettés, s’élancent de la cour au quadruple galop pour ne pas être happés au passage par toutes ces gueules affamées et béantes. Deux ou trois des chiens nécessiteux se détachent de la haie et donnent la chasse au richard, qu’ils rattrapent assez souvent, étant plus légers et plus prompts il cause de leur maigreur ; alors ce sont des batailles à faire pâlir celles des héros d’Homère, des aboiements sur toutes les gammes, des luttes désespérées pour savoir à qui restera le précieux morceau.

L’on a vu un dogue de forte taille faire une lieue ventre à terre, avec deux chiens plus petits suspendus par la mâchoire à sa fraise de viande, et rentrer ainsi chargé dans la cour de son logis, où quelques coups de fouet le débarrassèrent de ses étranges pendants d’oreille. Cette histoire se conte à Montfaucon, et fait beaucoup rire les garçons du combat. Nous souhaitons qu’elle ne vous ennuie pas trop,