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diges de la volonté humaine : aucune forme sensible ne vous traduit cette idée, et vous avez beau vous dire que des vaisseaux à trois ponts voguent à toutes voiles au-dessus de votre tête, vous ne vous sentez pas touché d’une admiration bien vive. Certainement cela est étonnant, miraculeux, prodigieux, mais rien ne vous en avertit. Le moindre morceau de marbre, gardant encore l’empreinte du ciseau de Phidias grec, vous produit une impression bien plus forte de puissance et de grandeur ; et cependant ce qu’il a fallu de peine, de science, de calcul, de persévérance, pour mener cette œuvre à bout, est vraiment fait pour effrayer. Cette galerie, c’est l’existence tout entière d’un grand homme, d’un de ces hauts esprits qui ont la fièvre de l’impossible, la plus noble passion qui puisse brûler un cerveau. — Qu’y manque-t-il donc ? Peu de chose : la beauté.

C’est là en général le défaut de toutes les créations de l’industrie, et c’est ce qui explique l’aversion instinctive des poëtes et des artistes pour les merveilles de la civilisation. — Les en-