Page:Gautier - Zigzags.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 225 —

naturelles dans la patrie des Zégris et des Abencerrages, — qui n’ont jamais existé, à ce que prétendent les érudits. — Métaphore à part, c’étaient des yeux qui, pour n’être pas verts… Mais ne sortons pas de notre thème.

Occupée de sa lecture, elle trempa par mégarde son pied chaussé de satin à la mode andalouse dans une de ces rigoles de marbre qui réunissent un bassin à un autre, et où ruisselle toujours ce cristal de roche, ce diamant humide, qu’à Grenade on appelle tout simplement de l’eau. Elle ôta son soulier, que n’aurait pas chaussé un enfant de dix ans, et dit en riant : — Quelle bonne tasse pour boire ! et le porta à ses lèvres à moitié plein d’eau. Jamais vin du Rhin dans un verre de Bohême ne me parut aussi délicieux que l’eau de la fontaine des Lions dans ce petit soulier.

Avant de se rechausser, elle tendit vers moi sa jambe qui luisait comme une agate sous les mailles de la soie, et me dit, avec un regard tout à fait royal : — Cavalier, regardez bien ce pied, souvenez-vous que jamais vous n’en