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se développent comme des nuages blancs, depuis les bonnettes basses jusqu’aux pommes des girouettes, car il fait peu de vent, et il faut ramasser le moindre souffle de brise. À bord de ce navire, un nègre, vêtu d’une chemise de laine rouge et coiffé d’un petit chapeau de paille, s’agite avec la joyeuse mièvrerie d’un singe en belle humeur. — Il va, il vient, en se donnant un mouvement extraordinaire. — Est-ce la joie de quitter notre pays, et voit-il déjà le soleil d’Afrique reluire sur sa peau noire ?

Les nègres m’ont toujours beaucoup préoccupés, non pas à la façon des philanthropes ; je ne réclame pas leur émancipation, et je ne suis pas tourmenté du désir de voir des députés de couleur siéger à la chambre. Mais cette race mystérieuse a pour moi un attrait singulier. Évidemment leurs pensées n’ont pas la même teinte que les nôtres, et j’ai peine à croire qu’ils descendent d’Adam, qui était rouge, s’il faut s’en rapporter à son nom. Or, s’ils ne descendent pas d’Adam, ils ne sont pas solidaires de sa désobéissance, et ils naissent sans péché ori-