Page:Gautier - Zigzags.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 204 —

et détruisît toutes les routes ! — Comme alors on réinventerait les chevaux, les ânes et les mulets ! — Quel beau voyage ce serait d’aller à Rouen !

Il y a quelques années, nous avons été à Rouen dans une petite barque, trois ou quatre amis ensemble, autant que cela, mais nous étions bien jeunes ! tantôt à la voile, tantôt à la rame, le plus souvent à la dérive. — Nous abordions à des îles inconnues, pleines de saules et d’osier, plus fiers de nos découvertes que des aventuriers espagnols allant à la conquête de l’Amérique. Nous surprenions les martins-pêcheurs dans leur intimité. De temps en temps la barque tournait. Quels jolis naufrages ! nous plongions, et nous allions repêcher notre cargaison moelleusement étalée au fond de la rivière, sur un lit de sable fin. — Une seule chose me contraria pendant cette délicieuse navigation : l’un de nous avait un fusil, et tirait aux hirondelles… J’avoue que je n’ai jamais compris le plaisir que l’on peut prendre à envoyer un grain de plomb à un pauvre petit oiseau qui