Page:Gautier - Zigzags.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 146 —

est célébré à Londres aussi scrupuleusement que le sabbat des juifs à Jérusalem.

Jamais je n’oublierai le magnifique spectacle qui s’offrit à mes yeux : les arches gigantesques du pont de Londres traversaient la rivière de leurs cinq enjambées colossales, et se détachaient en sombre sur un fond de soleil couchant. Le disque de l’astre, enflammé comme un bouclier rougi dans la fournaise, descendait précisément derrière l’arche du milieu, qui traçait sur son orbe un segment noir d’une hardiesse et d’une vigueur incomparables.

Une longue traînée de feu scintillait en tremblant sur le clapotis des vagues ; des fumées et des brumes violettes baignaient l’espace jusqu’au pont de Southwark, dont on apercevait les arches vaguement ébauchées. À droite, un peu dans l’éloignement, on voyait briller les flammes de bronze doré qui surmontent la colonne gigantesque élevée en mémoire de l’incendie de 1666 ; à gauche jaillissait au-dessus des toits le clocher de Saint-Olave ; des