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là invention, caprice, originalité, et dussions-nous passer pour homme de mauvais goût, nous préférons cette exubérance à la froideur du style grec, pastiché avec plus d’érudition que de bonheur, des monuments modernes.

De chaque côté de la porte piaffent de grands chevaux d’airain dans le goût de ceux de Monte Cavallo, tenus en bride par des écuyers tout nus.

Nous avons visité les appartements du château, qui sont beaux et riches, mais n’offrent rien d’intéressant pour l’artiste que leurs anciens plafonds fouillés, tarabiscotés, pleins d’amours, de chicorées et de rocailles du goût le plus curieux. Il y a dans la salle de concert une tribune de musiciens d’une sculpture folle, tout argentée et d’un effet charmant. On n’emploie pas assez l’argent pour la décoration, il repose de l’or classique et se prête à d’autres combinaisons de couleurs. La chapelle dont le dôme fait saillie sur l’élévation du palais, doit plaire aux protestants. Elle est claire, bien distribuée, confortable, rationnellement décorée : mais sur qui a visité les églises catholiques d’Espagne, d’Italie, de France et de Belgique, elle ne saurait produire une grande impression : une chose nous a surpris, c’est d’y voir Mélanchthon et Théodore de Bèze peints sur fond d’or ; rien de plus naturel cependant.

Traversons la place et faisons un tour au musée. Admirons en passant une immense vasque de porphyre posée sur des dés de même matière, devant l’escalier qui conduit au portique peint par diverses mains, sous la direction du célèbre Pierre de Cornélius.

Ces peintures forment une large frise dont chaque bout se reploie sur la paroi latérale du portique, et qui s’interrompt au milieu pour donner accès dans le musée.

La partie gauche développe tout un poème de cosmogonie mythologique, traité avec cette philosophie et cette science que les Allemands apportent à ces sortes de compositions. La partie droite, purement anthropologique, représente la naissance, le développement et l’évolution de l’humanité.