tents noirs masqués, cierges de cire jaune, quelque chose de plus lugubre et de plus sinistre qu’un enterrement ordinaire. « Quel est ce mort ? Est-ce un mari tué en duel par l’amant de sa femme, un honnête père qui tardait trop à lâcher son héritage ? fit le don Juan échauffé par le vin. ― Ce mort, lui répondit un des porteurs du cercueil, n’est autre que le seigneur don Juan de Marana, dont nous allons célébrer le service ; venez et priez avec nous pour lui. » Don Juan, s’étant approché, reconnut à la lueur des torches (car en Espagne, on porte les morts la face découverte) que le cadavre avait sa ressemblance, et n’était autre que lui-même. Il suivit sa propre bière dans l’église, et récita les prières avec les moines mystérieux, et le lendemain, on le trouva évanoui sur les dalles du chœur. Cet événement lui fit une telle impression, qu’il renonça à sa vie endiablée, prit l’habit religieux et fonda l’hôpital en question, où il mourut presque en odeur de sainteté. La Caridad renferme des Murillo de la plus grande beauté : le Moïse frappant le rocher, la Multiplication des pains, immenses compositions de la plus riche ordonnance, le Saint Jean de Dieu portant un mort et soutenu par un ange, chef-d’œuvre de couleur et de clair-obscur. C’est là que se trouve le tableau de Juan Valdès, connu sous le nom de Los Dos Cadaveres, bizarre et terrible peinture auprès de laquelle les plus noires conceptions de Young peuvent passer pour de joviales facéties.
La place des Taureaux était fermée à notre grand regret, car les courses de Séville sont, à ce que prétendent les aficionados, les plus brillantes de l’Espagne. Cette place offre la singularité de n’être que demi-circulaire, du moins pour ce qui regarde les loges, car l’arène est ronde. On dit qu’un violent orage abattit tout ce côté, qui depuis ne fut pas relevé. Cette disposition ouvre une merveilleuse perspective sur la cathédrale, et forme un des plus beaux tableaux qu’on puisse imaginer, surtout quand les gradins sont peuplés d’une foule étincelante, diaprée des plus vives