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VOYAGE EN ESPAGNE.

une vignette sur bois représentant l’archange les ailes ouvertes, l’auréole autour de la tête, son bâton de voyage et son poisson à la main, majestueusement campé entre deux glorieux pots de jacinthes et de pivoines, le tout accompagné d’une inscription ainsi conçue : Véridique relation et curieuse légende du seigneur saint Raphaël, archange, avocat de la peste et gardien de la cité de Cordoue.

L’on y raconte comme quoi le bienheureux archange apparut à don Andrès Roëlas, gentilhomme et prêtre de Cordoue, et lui tint dans sa chambre un discours dont la première phrase est précisément celle que l’on a gravée sur la colonne. Ce discours, que les légendaires ont conservé, dura plus d’une heure et demie, le prêtre et l’archange étant assis face à face, chacun sur une chaise. Cette apparition eut lieu le 7 mai de l’an du Christ 1578, et c’est pour en conserver le souvenir qu’on a élevé ce monument.

Une esplanade entourée de grilles s’étend autour de cette construction et permet de la contempler sur toutes les faces. Les statues, ainsi placées, ont quelque chose d’élégant et de svelte qui me plaît beaucoup et qui dissimule admirablement la nudité d’une terrasse, d’une place publique ou d’une cour trop vaste. La statuette posée sur une colonne de porphyre, dans la cour du palais des Beaux-Arts de Paris, peut donner une petite idée du parti qu’on pourrait tirer pour l’ornementation de cette manière d’ajuster les figures qui prennent ainsi un aspect monumental qu’elles n’auraient pas sans cela. Cette réflexion nous était déjà venue devant la sainte Vierge et le saint Christophe d’Ecija.

L’extérieur de la cathédrale nous avait peu séduits, et nous avions peur d’être cruellement désenchantés. Les vers de Victor Hugo :

 
Cordoue aux maisons vieilles
A sa mosquée, où l’œil se perd dans les merveilles.