neries et d’andaluzades de l’originalité la plus piquante. Les habits modernes étaient en fort petit nombre, et ceux qui les portaient étaient accueillis avec des rires, des huées et des sifflets ; aussi le spectacle y gagnait-il beaucoup : les couleurs vives des vestes et des ceintures, les draperies écarlates des femmes, les éventails bariolés de vert et de jonquille, ôtaient à la foule cet aspect lugubre et noir qu’elle a toujours chez nous, où les teintes sombres dominent.
Les femmes étaient en assez grand nombre, et j’en remarquai beaucoup de jolies. La Malagueña se distingue par la pâleur dorée de son teint uni, où la joue n’est pas plus colorée que le front, l’ovale allongé de son visage, le vif incarnat de sa bouche, la finesse de son nez et l’éclat de ses yeux arabes, qu’on pourrait croire teints de henné, tant les paupières en sont déliées et prolongées vers les tempes. Je ne sais si l’on doit attribuer cet effet aux plis sévères de la draperie rouge qui encadre leurs figures, elles ont un air sérieux et passionné qui sent tout à fait son Orient, et que ne possèdent pas les Madrilègnes, les Grenadines et les Sévillanes, plus mignonnes, plus gracieuses, plus coquettes, et toujours un peu préoccupées de l’effet qu’elles produisent. Je vis là d’admirables têtes, des types superbes dont les peintres de l’école espagnole n’ont pas assez profité, et qui offraient à un artiste de talent une série d’études précieuses et entièrement neuves. Dans nos idées, il semble étrange que des femmes puissent assister à un spectacle où la vie de l’homme est en péril à chaque instant, où le sang coule en larges mares, où de malheureux chevaux effondrés se prennent les pieds dans leurs entrailles ; on se les figurerait volontiers comme des mégères au regard hardi, au geste forcené, et l’on se tromperait fort : jamais plus doux visage de madone, paupières plus veloutées, sourires plus tendres, ne se sont inclinés sur un enfant Jésus. Les chances diverses de l’agonie du taureau sont suivies attentivement par de pâles