même, et, grâce à la protection de nos amis de Grenade, sans nous donner une permission formelle, on promit de ne pas nous apercevoir. Nous y restâmes quatre jours et quatre nuits qui sont les instants les plus délicieux de ma vie sans aucun doute.
Pour aller à l’Alhambra, nous passerons, s’il vous plaît, par la place de la Vivarambla, où le vaillant More Gazul courait autrefois le taureau, et dont les maisons, avec leurs balcons et leurs miradores de menuiserie, ont une vague apparence de cages à poulet. Le Marché aux poissons occupe un angle de la place, dont le milieu forme un terre-plein entouré de bancs de pierre, peuplé de changeurs de monnaie, de marchands d’alcarrazas, de pots de terre, de pastèques, de merceries, de romances, de couteaux, de chapelets et autres menues industries en plein vent. Le Zacatin, qui a conservé son nom moresque, relie la Vivarambla à la Plaza-Nueva. Dans cette rue, côtoyée de ruelles latérales, couverte de tendidos de toile à voile, s’agite et bourdonne tout le commerce de Grenade : les chapeliers, les tailleurs, les cordonniers, les passementiers et les marchands d’étoffes occupent presque toutes les boutiques auxquelles sont encore inconnus les raffinements du luxe moderne, et qui rappellent les anciens piliers des halles de Paris. La foule se presse à toute heure dans le Zacatin. Tantôt c’est un groupe d’étudiants de Salamanque en tournée, qui jouent de la guitare, du tambour de basque, des castagnettes et du triangle, en chantant des couplets pleins de verve et de bouffonnerie ; tantôt une horde de bohémiennes avec leur robe bleue à falbalas, semée d’étoiles, leur long châle jaune, leurs cheveux en désordre, leur cou entouré de gros colliers d’ambre ou de corail, ou bien une file d’ânes chargés de jarres énormes et poussés par un paysan de la Vega, brûlé comme un Africain.
Le Zacatin débouche sur la Place-Neuve, dont un pan est occupé par le superbe palais de la Chancellerie, re-