l’habitude de voir qu’en serre chaude. Les lauriers, les chênes verts, les lièges, les figuiers au feuillage verni et métallique, ont quelque chose de libre, de robuste et de sauvage, qui indique un climat où la nature est plus puissante que l’homme et peut se passer de lui.
Devant nous se déployait comme dans un immense panorama le beau royaume d’Andalousie. Cette vue avait la grandeur et l’aspect de la mer ; des chaînes de montagnes, sur lesquelles l’éloignement passait son niveau, se déroulaient avec des ondulations d’une douceur infinie, comme de longues houles d’azur. De larges traînées de vapeurs blondes baignaient les intervalles ; çà et là de vifs rayons de soleil glaçaient d’or quelque mamelon plus rapproché et chatoyant de mille couleurs comme une gorge de pigeon. D’autres croupes bizarrement chiffonnées ressemblaient à ces étoffes des anciens tableaux, jaunes d’un côté et bleues de l’autre. Tout cela était inondé d’un jour étincelant, splendide, comme devait être celui qui éclairait le paradis terrestre. La lumière ruisselait dans cet océan de montagnes comme de l’or et de l’argent liquides, jetant une écume phosphorescente de paillettes à chaque obstacle. C’était plus grand que les plus vastes perspectives de l’Anglais Martynn, et mille fois plus beau. L’infini dans le clair est bien autrement sublime et prodigieux que l’infini dans l’obscur.
Tout en regardant ce merveilleux tableau, qui variait et présentait de nouvelles magnificences à chaque tour de roue, nous vîmes poindre à l’horizon les toits aigus des pavillons symétriques de la Carolina, espèce de village-modèle, de phalanstère agricole, élevé autrefois par le comte de Florida-Blanca, et peuplé par lui d’Allemands et de Suisses amenés à grands frais. Ce village, bâti tout d’un coup, éclos au souffle d’une volonté, a cette régularité ennuyeuse que n’ont pas les habitations qui se sont groupées peu à peu au caprice du hasard et du temps. Tout est tiré au cordeau ; du milieu de la place, on voit tout le bourg : voici