des éponges sèches. Je ne sais vraiment point comment nous ne sommes pas devenus hydropiques ; sans compter le vin et les glaces, nous consommions sept ou huit jarres d’eau par jour. Agua ! agua ! tel était notre cri perpétuel, et une chaîne de muchachas, se passant les pots de main en main de notre chambre à la cuisine, suffisaient à peine pour éteindre l’incendie. Sans cette inondation obstinée, nous serions tombés en poussière comme les modèles d’argile des sculpteurs, lorsqu’ils négligent de les mouiller.
La cathédrale visitée, nous résolûmes, malgré notre soif, d’aller à l’église de San Juan de los Reyes, mais ce ne fut qu’après de longs pourparlers que nous réussîmes à nous en faire donner les clefs, car l’église de San Juan de los Reyes est fermée depuis cinq ou six ans, et le couvent dont elle fait partie est abandonné et tombe en ruine.
San Juan de los Reyes est situé au bord du Tage, tout près du pont Saint-Martin ; ses murailles ont cette belle teinte orange qui distingue les anciens monuments dans les climats où il ne pleut jamais. Une collection de statues de rois dans des attitudes nobles, chevaleresques, et d’une grande fierté de tournure, en décore l’extérieur ; mais ce n’est pas là ce qu’il y a de plus singulier, à San Juan de los Reyes, toutes les églises du moyen âge sont peuplées de statues. Une multitude de chaînes suspendues à des crochets garnissent les murs du haut en bas : ce sont les fers des prisonniers chrétiens délivrés par la conquête de Grenade. Ces chaînes suspendues en manière d’ornement et d’ex-voto donnent à l’église un faux air de prison assez étrange et rébarbatif.
On nous a conté à ce propos une anecdote que nous placerons ici parce qu’elle est courte et caractéristique. Le rêve de tout jefe político, en Espagne, est d’avoir une alameda, comme celui de tout préfet, en France, une rue de Rivoli dans sa ville. Le rêve du jefe político de Tolède était donc de procurer à ses administrés le plaisir de la promenade ; l’emplacement fut choisi, les terrassements