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d’ostentation, sujette à d’effroyables inégalités.

Plutarque dit bien : en tout, Antoine aimait à la folie le style asiatique et la pompe orientale. Son front bas et sa barbe épaisse, sa mâle et forte structure lui donnaient quelque ressemblance avec les images du fabuleux Hercule de qui il prétendait descendre, mais c’est surtout Bacchus, le Bacchus indien, qu’il se plaisait à rappeler par ses riches cortèges et par ses chars attelés de lions. Il entra dans Éphèse précédé de femmes vêtues en bacchantes et d’adolescents portant le nébride des pans et des satyres. On ne voyait dans toute la ville que thyrses couronnés de lierre, on n’entendait que le son des flûtes et des syrinx, et les cris qui saluaient le nouveau Bacchus bienfaisant et plein de douceur. Certes, il eut sa part de l’atroce férocité commune aux Romains de ces temps scélérats. Mais il ne se montra jamais, comme Octave, froidement cruel. Il était libéral, magnifique et capable de sentiments délicats et généreux. En Grèce, les ennemis l’avouent, il rendit la justice avec clémence et se montra jaloux d’être nommé l’ami des Grecs et