Grandement joyeux, il leur communiquait cette gaieté qui fait oublier les souffrances, les dangers, et qui double les forces. Il buvait et mangeait avec eux ; il disait des mots qui les faisaient rire. Les légionnaires l’admiraient. Il ne faut pas juger Antoine par les Philippiques que Cicéron prononça contre lui ; Cicéron était avocat, et, de plus, c’était, en politique, un modéré de l’espèce la plus violente. À cela près, un honnête homme et un grand lettré. Antoine n’était pas le grossier soldat, le belluaire insolent, j’allais dire « la trogne à épée » que l’orateur nous montre. Il avait de l’esprit, précisément dans le sens où nous prenons le terme aujourd’hui, de l’esprit de mots, car, pour ce qui est de l’esprit de conduite, il en manqua toujours, et Cléopâtre ne lui en donna pas. Loin d’être un homme inculte, il avait étudié l’éloquence en Grèce. Sa parole n’avait pas l’élégante correction de celle de César : elle était imagée et disproportionnée. C’était ce que nous appellerions maintenant une éloquence romantique. Il aimait, dit Plutarque, ce style asiatique, alors fort recherché, et qui répondait à sa vie fastueuse, pleine
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