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la laisse toucher le sol que du bout des orteils ; sa face rayonne de béatitude, des effluves ondoyantes voltigent avec ses blonds cheveux autour de sa tête transparente ; elle éclaire l’air qui l’environne, et ses yeux répercutent plutôt la lumière qu’ils ne la reflètent. Comme elle court joyeusement à sa damnation ! Pas une hésitation, pas un regret ; et pourtant, dans ses idées, ce qu’elle va faire est la plus impardonnable des fautes. Mais elle aime ; elle est si heureuse de se perdre, de montrer à son amant qu’elle renonce pour lui à sa couronne d’étoiles comme à sa couronne d’oranger ! Bien peu d’âmes comprennent ce plaisir ineffable et profond de se fermer les portes du monde et les portes du ciel pour se cloîtrer à tout jamais dans l’amour de la personne aimée. Cette âme qui va être à moi tout à l’heure est une de ces âmes. En vérité, pour son premier amour, elle méritait de rencontrer mieux, et j’ai presque regret de prendre celle qui se donne si franchement, si noblement, sans arrière-pensée, sans précaution. Elle ne m’a pas même demandé mon nom, elle ne veut savoir de moi que mon amour. D’honneur ! si je pouvais faire usage des