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côté du théâtre. À travers les architectures s’élancent des palmiers, des arbres exotiques, aux immenses fleurs rafraîchissant de teintes vertes et roses l’ardeur étincelante de toutes ces constructions colossales calcinées de soleil.

Au milieu de la cour, le roi Douchmanta, privé de raison, de mémoire, par la malédiction de l’ascète Durwasas, est assis sur son trône dans une altitude inerte, à côté de la reine Hamsati ; les femmes de l’anta-pourah, couchées sur les marches du trône avec des poses d’accablement, de langueur et d’ennui, semblent attendre que le maître daigne abaisser son regard vers elles. Madhavva, le favori du roi, fait résonner sa guitare, — nous n’osons pas mettre le nom sanscrit, il n’y a plus d’à dans les casses d’imprimerie; — et lentement ces corps endormis se réveillent, étirent leurs membres souples, cambrent leurs tailles minces, et commencent une de ces danses orientales énervées, désossées, où les femmes ondulent comme des serpents et semblent à chaque pas mourir de lassitude et d’amour. A ces danses qui ne font aucun effet sur le roi, en succèdent d’autres plus vives, plus légères, qu’interrompt l’arrivée de Sacountalâ, accompagnée de son gracieux cortège de jeunes prêtresses. Elle vient rappeler au roi les promesses du bois sacré. Hélas ! elle a beau lui montrer sans voile son charmant visage, mimer la scène de l’abeille, essayer de ranimer cette mémoire éteinte par un maléfice ; elle n’y peut parvenir. On lui a d’ailleurs ravi l’anneau qui confirmerait la vérité de son histoire. La jalouse Hamsati appelle des bourreaux et ordonne qu’on prépare un bûcher pour celle femme qui ose poursuivre, jusque sur le trône, un amant qui ne la connaît pas. À peine a-t-on emmené Sacountalâ, qu’un pêcheur rapporte à Douchmanta, l’anneau royal qu’il a trouvé dans le ventre d’un poisson. A la vue de son anneau, le roi se rappelle tout, la raison lui revient et il demande où est Sacountalâ. L’apsarâ Minakesi a sauvé la jeune fille et changé en fleurs les flammes du bûcher. — Rien ne s’oppose plus à l’union de Douchmanta et de Sacountalâ, qui doit donner le jour au grand conquérant de l’Inde, au héros du Mahabhârata, poème gigantesque comme les montagnes, les fleuves, les forêts et les pagodes de cette terre excessive en tout.

La musique d’Ernest Reyer justifie toute la confiance, que nous inspirait depuis longtemps ce jeune compositeur, pour qui nous avons rimé les. paroles du Sélam. Outre son talent de musicien,