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l’inanité : sa solitude est bientôt troublée par l’arrivée d’un petit jeune homme tout gentil, tout mignon et tout poupin, qui l’aborde avec une aisance forcée et lui demande où il faut s’adresser pour s’engager dans le régiment.

— Vous êtes bien petit, — lui dit Catherine en le toisant de l’œil.

— Je grandirai, — répond le nouveau venu d’un ton décidé.

— Vous êtes bien jeune, — continue la cantinière en lui voyant la lèvre sans duvet et le menton imberbe.

— Je vieillirai. — La jeunesse est le seul défaut dont on se corrige avec l’âge ; croyez-moi, dans dix ans j’aurai vingtsix ans, et d’ailleurs est-ce qu’il y a besoin d’être vieux pour être brave ?

Ces raisons convainquent Catherine, qu’intéressent la physionomie mutine et la tournure délibérée du petit jeune homme. Elle lui promet sa protection auprès de Bridoux, qui rentre au même moment. La présentation a lieu sur-le champ. Tenez, — dit Catherine au sergent, — voici un jeune héros qui brûle de s’engager sous les drapeaux de Mars et qui veut faire son chemin à la guerre.

— Vous n’êtes pas dégoûté, dit Bridoux au postulant, qu’il examine d’un œil de recruteur en répétant les observations de Catherine. — Trop petit, trop jeune. — Le Royal-Cravate n’admet que de grands hommes — des hommes superbes comme moi ; voyez, j’ai la tête de plus que vous.

Pâquerette, que l’on a sans doute déjà devinée sous ce déguisement que lui a fait prendre le désir de rejoindre François, s’approche de Bridoux, se dresse sur les pointes et arrive de la sorte à dépasser l’épaule du sergent, tout surpris de cette crue subite.

— Tiens, dit-il, vous êtes plus grand que je ne le croyais. C’est étonnant comme vous avez poussé vite ; il faut que j’aie la berlue. Faites-moi l’amitié de passer un peu sous la toise. Pâquerette