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le pied sur le fer de leurs bêches, font le geste de creuser et de fouir la terre. Des semeuses, le tablier retroussé par un coin, passent entre leurs rangs, et avec des poses de danse, jettent la graine dans le sillon tracé : c’est le Printemps.

Le grain a germé déjà, les blonds épis élèvent leurs tuyaux d’or entremêlés d’étoiles d’écarlate et d’azur par les coquelicots et les bluets. Les gerbes s’écartent et laissent voir les teintes souriantes et vermeilles des moissonneuses : le blé est mûr, les belles filles se penchent gracieusement, la faucille en main, et les épis tombent en cadence sur le revers du sillon : c’est l’Été.

Les vendangeuses succèdent aux moissonneuses, car la grappe a remplacé l’épi, les hottes se vident, les cuves se remplissent, et le raisin écume sous les trépignements des danseurs : la vendange moderne a des airs de bacchanale antique : c’est l’Automne.

Il y a, dans le parc de Versailles, un vieillard grelottant qui se chauffe les mains à un feu de marbre ; c’est une flamme réelle et brillante qui pétille dans le brasier, autour duquel se groupent nos frileux illuminés de rouges reflets, et se drapant dans leurs manteaux avec des poses gelées ; ils soufflent dans leurs doigts et battent la semelle, tandis que les femmes filent leur quenouille et font tourner leurs fuseaux en se livrant à des jeux mimiques pleins de grâce : c’est l’Hiver.

Vous pensez bien que François, en voyant tout ce monde pirouetter, cabrioler et valser, ne peut plus y tenir, d’autant plus que Pâquerette vient de reparaître si fraîche, si rose, si gaie dans sa brillante parure, qu’un saint ne résisterait pas à la tentation de danser avec elle. François oublie tout, et la menuiserie, et les créanciers, et les recors ; il ôte son tablier et sa veste, se revêt de son habit le plus galant, prend la main de Pâquerette, ravie d’avoir enfin décidé son partenaire, et le pas commence.