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SCÈNE X

Caché derrière un saule pleureur, Albert voit paraître le misérable Hilarion, poursuivi par la troupe entière des Wilis.

Pâle, tremblant, presque mort de peur, le garde-chasse vient tomber au pied d’un arbre, et semble implorer la pitié de ses folles ennemies ! Mais la reine des Wilis, le touchant de son sceptre, le force à se lever et à imiter le mouvement de danse qu’elle commence elle-même autour de lui… Hilarion, mû par une force magique, danse malgré lui avec la belle Wili, jusqu’à ce que celle-ci le cède à une de ses compagnes, qui le cède, à son tour, à une autre, et ainsi de suite jusqu’à la dernière !

Dès que le malheureux croit son supplice terminé avec sa partenaire fatiguée, une autre la remplace avec une nouvelle vigueur, et lui, s’épuisant en efforts inouïs, sur des rhythmes de musique toujours plus rapides, finit par chanceler et se sentir accablé de lassitude et de douleur.

Prenant enfin un parti désespéré, il cherche à s’enfuir ; mais les Wilis l’entourent d’un vaste cercle, qui se rétrécit peu à peu, l’enferme et se convertit en une valse rapide, à laquelle une puissance surnaturelle l’oblige à se mêler. Un vertige alors s’empare du garde-chasse, qui sort des bras d’une valseuse pour tomber dans ceux d’une autre.

La victime, enveloppée de toutes parts dans ce gracieux et mortel réseau, sent bientôt ses genoux plier sous lui. Ses yeux se ferment, il n’y voit plus… et danse pourtant encore avec une ardente frénésie. La reine des Wilis s’en empare alors et le fait tourner et valser une dernière fois avec elle jusqu’à ce que le pauvre diable, arrivé sur le bord du lac, au dernier anneau de la chaîne des valseuses, ouvre les bras,