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PIERRE CORNEILLE


POUR L’ANNIVERSAIRE DE SA NAISSANCE


LE 6 JUIN 1851


Par une rue étroite, au cœur du vieux Paris,
Au milieu des passants, du tumulte et des cris,
La tête dans le ciel et le pied dans la fange,
Cheminait à pas lents une figure étrange :
C’était un grand vieillard, sévèrement drapé,
Noble et sainte misère, en son manteau râpé.
Son œil d’aigle, son front argenté vers les tempes,
Rappelaient les fiertés des plus mâles estampes,
Et l'on eût dit à voir ce masque souverain,
Une tête romaine à frapper en airain.
Chaque pli de sa joue austèrement creusée
Semblait continuer un sillon de pensée,
Et dans son regard noir, qu’éteint un sombre ennui,
On sentait que l’éclair autrefois avait lui.
Le vieillard s’arrêta dans une pauvre échoppe.
Le roi-soleil alors illuminait l’Europe,
Et les peuples baissaient leurs regards éblouis,
Devant cet Apollon qui s’appelait Louis.
À le chanter Boileau passait ses doctes veilles ;
Pour le loger, Mansard entassait ses merveilles ;
Au coin d’un carrefour, auprès d’un savetier,
Pied nu, le grand Corneille attendait son soulier.