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Capables de tenter ce périlleux voyage.
L’on part pour l’Odéon tout jeune, et, dans Paris,
L’on retourne vieillard avec des cheveux gris.
Il vous faut un railway pour vous rendre probable.

Le Directeur.
Vous voilà cependant.

L’Esprit chagrin.
Vous voilà cependant.Ce fait invraisemblable
S’explique : je demeure où finit le chemin,
Étant un naturel du faubourg Saint-Germain.

Le Directeur.
Remettez au carquois ces flèches émoussées ;
Nos armes par vos traits ne seront pas faussées,
Et ne nous criblez plus d’un sarcasme banal
Qui serait dédaigné du plus mince journal.
Qu’importent quelques pas ou quelques tours de roue ?
L’Odéon n’est pas loin quand Lucrèce s’y joue.
Antigone, malgré la route et ses lenteurs,
Attirait au désert deux mille spectateurs ;
Et la distance à tous paraissait exiguë,
Quand au bout de la route on trouvait la Ciguë.
Qui se plaint du chemin alors que le but plaît,
Hors les cochers de fiacre et de cabriolet !
Les Deux Mains de Gozlan, ont d’une étreiute adroite,
Uni la rive gauche avec la rive droite.
Ayons Hugo, Dumas, Ponsard, et, j’en réponds,
Nul ne regrettera de traverser les ponts.
Une pièce à succès, comète à longue queue,
Au centre de Paris peut mettre la banlieue.
Le théâtre est lointain, fût-il au boulevard,
Qui manque aux saintes lois du bon goût et de l’art !
D’ailleurs, je ne veux pas que l’autre bord se gêne,
Et me contenterai du public indigène.
Le faubourg Saint-Germain a, pour m’alimenter,