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Oh ! nous autres, Anglais, lorsque par une idée
Nous avons la cervelle ou l’âme possédée,
Nous allons jusqu’au bout de notre entêtement.
Et nous devenons fous mathématiquement.
Les jours de fine pluie où le ciel gris tamise
Ce spleen qui fait courir aux ponts de la Tamise,
Chercher les pistolets dans le fond des tiroirs,
Ou, comme Castlereagh, repasser ses rasoirs,
Il faut, pour nous sauver, quelque étrange manie,
Quelqu’entreprise folle et qu’on veut voir finie,
Quelqu’amour insensé donnant une raison
De remettre à demain noyade ou pendaison.
Heureux quiconque alors se crée un but à suivre !
Eh bien ! moi, j’ai trouvé mon prétexte de vivre :
Lavinia ! — J’étais lugubre, — il avait plu,
Et j’allais, comme on fait d’un roman déjà lu,
Dans un accès d’ennui, sans cette circonstance,
Au chapitre vingt-six jeter mon existence.
J’ai repris le volume et j’irai jusqu’au bout,
Car l’héroïne a mis de l’intérêt partout.

Georges.

Biffez Lavinia de ce charmant poème,
Milord.

Lord Durley.

Milord.Pour quel motif ?

Georges.

Milord. Pour quel motif ?Eh ! parce que je l’aime !
Avec ce beau sang-froid, courtoisement moqueur,
Ce que vous demandez, c’est mon sang, c’est mon cœur,
Mon âme, mon trésor, mon rêve, ma chimère,
Plus qu’en prenant la fille on n’enlève à la mère.

Lord Durley.

Eh bien, épousez-la puisqu’il en est ainsi ;
Qu’elle soit, devant tous, la comtesse d’Elcy !