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propreté méticuleuse et d’une blancheur éblouissante. D’autres sont disposés dans la longue galerie qui servait de promenoir, et dont les fenêtres s’ouvrent sur le balcon de la rue Richelieu. Sur le dernier de ces lits était couché, sans doute à la place du mort qu’on venait d’enlever et comme pour sanctifier la mondanité du lieu, un grand crucifix noir portant son pâle cadavre d’ivoire jaune aux bras douloureusement étendus. Il n’y avait, au moment de notre visite, que deux blessés couchés, un dans le foyer, l’autre dans la galerie. Tous deux répondirent à notre respectueux salut par un sourire amical. Les internes et les infirmiers occupent au bout du couloir la petite salle du buffet. À la lingerie, située à l’étage inférieur, nous trouvâmes la belle Delphine Marquet qui roulait des bandes. Avec ses petites boucles frisées sur le front, sa sévère robe noire et son linge tout uni, comme on disait autrefois, elle avait l’air d’une de ces dames du temps de Louis XIII, qu’on voit visiter les malades dans les gravures d’Abraham Bosse. Mais aucun raffiné à feutre mou, à longue plume, à chemise bouffante, à bottes évasées garnies de dentelles, n’était là le poing sur la hanche, en relevant du