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est la vraie vie des théâtres. La journée y oublie ses durs labeurs dans les plaisirs de l’esprit, mais elle s’étonne d’interrompre sa tâche pour une représentation qui ordinairement ne vient que le soir.

Quand on est assiégé il faut être économe pour durer longtemps. L’homme ne vit pas seulement de pain, il vit aussi de lumière. Le gaz est du soleil emmagasiné, et on doit, dans la position où nous sommes, en ménager précieusement les rayons. Donc la salle n’était éclairée qu’à demi et les becs ne dardaient que la moitié de leur flamme. Cette pénombre est favorable à la scène et aux acteurs, dont elle augmente l’importance en tenant les spectateurs dans le clair obscur : du reste, on était venu pour voir et non pour être vu. Les femmes étaient relativement en petit nombre et leurs toilettes sévères, noires ou grises, n’avaient pas besoin de vives clartés. Les hommes, pour la plupart, n’avaient pas pris la peine de déposer la tunique du garde national ; les chapeaux étaient rares ; les képis nombreux. La salle, à vrai dire, avait un peu l’air d’un camp.

Dans la grande avant-scène, autrefois loge impériale, les blessés convalescents de l’ambulance