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çais ; il le prouve aujourd’hui de la façon la plus éclatante.

Qui nous eût dit alors que cette ville charmante et paisible, amoureuse de l’étude et des savantes recherches, guerrière cependant malgré son air de bonhomie patriarcale, et bouclant autour de ses reins une ceinture de canons, serait un jour attaquée avec une si incroyable furie ! Lorsque nous regardions, le soir, le Chariot, la Petite Ourse et Cassiopée scintiller comme des points d’or derrière les dentelles noires du Münster, qui jamais aurait pensé que ces douces lueurs d’étoiles eussent pu être éteintes par le flamboiement sinistre des bombes ! Et cependant une pluie de fer tombe nuit et jour sur le Münster, brisant les clochetons, mutilant les statuettes, perçant les voûtes des nefs et écornant l’horloge avec son peuple de figurines et ses millions de rouages. La bibliothèque, unique au monde en son genre, a brûlé. Des incunables provenant de l’ancienne commanderie de Saint-Jean de Jérusalem ; l’Hortus deliciarum dû à Herrade de Landsberg, abbesse de Sainte-Odile à la fin du douzième siècle, le poëme de la Guerre de Troie, composé par Conrad de Wurzbourg, les poésies